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l’arbre aux sorbets, ferme plein fruit

Glacier

Au lieu-dit la Bourgeaudière, tout près de Moulins, se niche une ferme fruitière qui sort de l’ordinaire. Ici, l’on produit avec soin des fruits transformés sur place en sorbets paysans doux et gourmands.
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Pour la petite histoire…
Localisé à Moulins, 35680 / Surgelés

À l’orée de l’été, nos pas nous ont guidés vers une ferme fruitière qui est aussi un atelier très gourmand et tout en fruit : celui de l’Arbre aux sorbets. C’est ici, à la Bourgeaudière, que Jean-Jacques Jouanolle a décidé de poser ses bagages, sa turbine et sa chambre très froide pour cultiver cette terre et produire des sorbets plein fruit. Lorsqu’il s’y installe en 2017, il remplace le maïs par des fraises, de la rhubarbe, des poiriers, des sureaux… tout ce qu’il faut pour créer des gourmandises bien rafraîchissantes.

Devenir paysan glacier, quelle entreprise !

Créer, c’est bien alors l’envie qui guide cet ancien technicien bocager pour qui les haies et leurs vertus pour l’agriculture n’ont plus aucun secret, mû par l’irrépressible « envie de faire quelque chose de concret de [ses] mains. » Alors débute un parcours du combattant pour réussir à concrétiser une idée tenace qui le taraude depuis de nombreuses années : devenir paysan glacier. C’est d’abord un parcours à l’installation assez classique, accompagné par le réseau Civam (centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural), la Chambre d’agriculture et Agrobio 35 grâce auxquels il se fait accompagner tant sur les questions entrepreneuriales que sur les techniques culturales et l’insertion dans le réseau agricole local.

Le projet agricole ficelé, Jean-Jacques sollicite les banques pour financer l’aménagement et l’équipement du laboratoire. Et c’est la douche froide. « Je me retrouve le bec dans l’eau et sans situation de financement » déplore le paysan. Les banques refusent toutes de lui prêter l’argent dont il a besoin pour mettre en route le projet. Retour sur investissement trop long, pas suffisamment de débouchés et surtout peu de références de ferme fruitière produisant des sorbets lui disent-elles toutes. C’est brutal. Mais cela ne suffit pas à faire renoncer le jeune paysan, convaincu que son modèle est le bon.

Alors il entame un second parcours que les entrepreneurs qui sortent des sentiers battus connaissent bien. Parfois, mobiliser les personnes prêtes à financer des projets hors norme est plus porteur. Jean-Jacques va chercher des financements auprès de citoyens et de réseaux engagés : les Cigales – des clubs d’investisseurs solidaires, un financement participatif, le réseau associatif Initiatives Bretagne qui lui accorde un prêt d’honneur et France Active Bretagne qui apporte la garantie.

Et puis il démarre au sein d’une coopérative qui lui permet de lancer son activité. Grâce à la Ciap (coopérative d’installation en agriculture paysanne) des Pays de la Loire qui porte « juridiquement » son activité, il réalise ses premiers pots de sorbet en louant à Retiers un laboratoire de transformation – qui avait plus l’habitude de traiter du lait de chèvre que des fruits frais, la mutualisation a du bon – et commence à se constituer une clientèle. Confirmant que non seulement il y a des débouchés, mais aussi que son modèle est viable. Et surtout qu’il existe maintenant une première référence de ferme fruitière produisant des sorbets !

Deux ans d’expérimentation lui auront permis d’éprouver son organisation, d’affiner le modèle tout en développant le projet. Et de convaincre cette fois-ci les banques. Alors il crée son entreprise en 2019, obtient un prêt pour aménager le laboratoire sur la ferme, l’équiper du tamis, de la turbine, de la cellule de refroidissement, de la chambre froide : des « petites » machines qui coûtent un peu plus que le prix d’une boule de glace !

Produire et transformer à la ferme

Faut-il le préciser, avant d’être transformés en purée glacée, les fruits, il faut bien les faire pousser. Sur les huit hectares de la ferme de la Bourgeaudière, deux sont cultivés, les autres sont des prairies qui accueilleront plus tard les fraises, les framboises, les groseilles ou la rhubarbe lorsqu’elles changeront d’espace de culture. C’est ce que l’on appelle la rotation : les fraises par exemple sont cultivées pendant deux années au même emplacement, avant de laisser la prairie reprendre ses droits pendant cinq ans. Objectif : maintenir un sol vivant. Qui saura aussi nourrir la prochaine génération de fruits.

« Je ne suis pas artisan, je suis paysan avec toutes valeurs de la paysannerie qui vont avec »

Cultiver, ce n’est pas seulement planter, arroser et récolter ! C’est aussi un exercice d’équilibre et de chaises musicales qui permettra de produire en même temps de la rhubarbe qui reste six ans en place avant de changer d’emplacement, des framboises qui restent cinq ans, des fraises qui restent deux ans, des groseilles, des cassis et des casseilles qui restent quinze ans et des arbres fruitiers qui a priori ne bougeront pas, mais ont aussi leurs exigences, surtout lorsqu’ils sont tout jeunes.

D’ailleurs, si Jean-Jacques a un seul regret, c’est celui d’avoir choisi des arbres de basse tige : des pommiers et poiriers de petite taille, moins résistants que ceux de moyenne tige. Le métier de paysan exige aussi de la persévérance et il aura fallu plusieurs tentatives pour que les arbres trouvent leur place et s’y sentent suffisamment bien pour commencer à produire sans succomber aux assauts de quelque maladie.

Paysan est un métier du soin et de l’accueil : considérer ses terres et ses cultures dans une approche écosystémique permettra de récolter des fruits nourrissants et savoureux. « Ma méthode de cultures est simple confie Jean-Jacques : favoriser au maximum la biodiversité sur mes parcelles. Au pied des cultures, je passe la tondeuse débroussailleuse mais autour je laisse la diversité végétale s’exprimer pour accueillir les insectes. »


Ici, pas de système antigel mais une diversité qui permet au système agricole d’être plus résilient. « Pour limiter les effets du gel, je parie sur la diversité. J’ai trois ou quatre variétés par culture. » Et même sept pour la fraise ! Pour les petits fruits comme pour toutes les cultures, la diversité permettra à la production de ne pas subir les effets du gel mais aussi de résister aux maladies, à la sécheresse, ou à l’excès d’eau.
Il faut croire que la méthode fait ses preuves : à la fin du mois de mai mille mètres carrés de terre ont offert à la récolte quatre cents kilos de fraises en une semaine ! Des fraises qui seront pour certaines transformées sur place en sorbet plein fruit.

Du champ à la turbine

Si elles ne sont pas vendues en cueillette libre, en circuit court par le biais d’amap et du magasin de producteurs Brin d’herbe, ou bien aux magasins Biocoop de Chateaugiron, Vitré et bien sûr dans quelques magasins Scarabée de Rennes, les fraises de Jean-Jacques seront l’ingrédient principal de ses savoureux sorbets.

Commence alors le parcours de transformation, avec un savoir-faire acquis progressivement. D’abord au réputé CFPPA (centre de formation professionnelle et de promotion agricole) de Florac, puis par le biais de l’École nationale supérieure de pâtisserie Ducasse à Yssingeaux. Et évidemment grâce à l’expérimentation en conditions réelles, avec les fruits de la ferme et la quête d’un goût et d’une texture qui fait dire « encore ».

Après avoir été réduits en purée le jour-même de la récolte, les fruits sont surgelés rapidement pour conserver toutes leurs propriétés. Puis ils seront décongelés en douceur pour passer avec les autres ingrédients dans la turbine à moins 4 degrés avant la mise en pot.

« J’ai envie de quelque chose de gourmand et onctueux » confie Jean-Jacques. « Pas d’arôme, pas de colorant, un maximum de fruit. C’est la base » poursuit le paysan glacier qui a très vite supprimé de sa recette la protéine de pois qu’on lui avait appris à inclure pour faire « foisonner », c’est-à-dire apporter de l’air dans les recettes. Alors sa recette se tient en très peu d’ingrédients : 65 % de fruits, 15 % d’eau, 12 % de sucre de canne et 6 % de glucose de maïs. Et aussi un peu de gomme de guar et de caroube pour stabiliser. C’est tout.

« Pas d’arôme, pas de colorant, un maximum de fruit. C’est la base »

Si pour le sorbet à la fraise, l’équilibre de la recette a été assez vite trouvé, il a fallu une douzaine de tests pour que le sorbet à la poire corresponde à ce que Jean-Jacques souhaitait obtenir. Ajuster les proportions de jus et de purée de fruits, adapter la quantité d’eau, doser les sucres au plus juste, et goûter chaque production bien sûr. Allez, on vous révèle même son petit secret de fabrication, un exhausteur de goût étonnant qui permet de relever le parfum subtil de la poire : quelques pincées de poivre !

Sorbets (presque) 100 % locaux

Fraise, poire, rhubarbe, groseille, fruits rouges, pomme… la gamme est large. Et tous les fruits proviennent de la ferme. Tous, sauf un. Mais on pourrait dire que ce n’est pas vraiment un fruit frais, et encore moins un produit cultivable sur la terre de Moulins. Nous voulons parler du chocolat. Testé presque par hasard en 2018 pour offrir un instant de fraîcheur gourmande aux festivaliers du rendez-vous annuel Désarticulé, le sorbet au chocolat noir de Jean-Jacques a été d’emblée plébiscité et interdiction lui a été formulée de s’en arrêter là ! Mais pas question pour autant de prendre n’importe quel chocolat. Celui de l’Arbre aux sorbets provient de Kaoka, un artisan chocolatier très engagé qui ne produit que du chocolat bio et équitable.

Utiliser le maximum d’ingrédients locaux, c’est une règle à laquelle le paysan glacier ne déroge pas. « Je suis très attaché au local. S’il faut aller chercher des cassis en Bourgogne, ou pire, en Roumanie, cela n’a aucun sens. Ce n’est pas comme ça que je souhaite travailler » explique-t-il. Si dans un premier temps il ne projetait de transformer que ses propres fruits, il convient ne plus s’y tenir complètement. Mais c’est pour mieux faire vivre l’agriculture bio locale : il ne noue des partenariats qu’avec des producteurs et productrices à proximité, bio, à taille humaine. La ferme Plantago à Corps-Nuds par exemple, qui fournit la verveine.

Vous voulez une information exclusive ? Le prochain petit nouveau, un sorbet au caramel que nous avons même eu la chance de déguster en avant-première, sera fabriqué avec du sucre non raffiné… de betterave ! Avis aux amateurs et amatrices !