Le super pouvoir des algues
D’une variété incroyable, les algues ont mille vertus. En cuisine, en cosmétique, en production alimentaire ou en agriculture, elles ont des potentialités hors du commun, prometteuses pour l’avenir de la planète.
Cet hiver, on largue les amarres ! Direction les côtes bretonnes pour découvrir les mille et une vertus des algues marines. Car voyez-vous, les algues ont de super pouvoirs. Des vertus trop méconnues qui sont pourtant bien prometteuses, pour nos papilles et pour nos corps, pour nos écosystèmes et notre agriculture. De la mer à l’assiette il n’y a qu’un pas botté qu’on aurait tort d’esquiver.

En Europe les algues ne sont pas encore sous les feux de la rampe. Elles sont pourtant bien connues depuis trèèès longtemps. En Asie, elles sont un must have de toutes les cuisines. On a même retrouvé la trace de consommation d’algues datant de 14 000 ans dans une grotte chilienne. La France dispose de milliers de kilomètres de côtes et de réserve d’algues marines d’une richesse inestimable. Pourtant, les algues n’ont visiblement pas encore révélé au « grand public » toutes leurs potentialités.
Le saviez-vous ?
Les macroalgues sont réparties en trois grandes familles.
– Les algues rouges ou rhodophytes comme la célèbre nori (porphyra de son petit nom latin) sont les plus anciennes. Elles comptent 6 500 espèces.
– Les algues vertes ou chlorophytes, comme la laitue de mer (ou ulve) comprennent 1 500 espèces.
– Les algues brunes ou ochrophytes sont les plus récentes et comptent 2 000 espèces dont le goémon noir ou les laminaires que l’on connaît bien en Bretagne.
En osmose avec la mer
Premier maillon de la chaîne du vivant, les algues font partie des plus anciennes formes de vie sur terre ! On les trouve dans tous les milieux aquatiques : rivières, étangs, lacs et même sous la banquise ou dans des lacs volcaniques, et puis en mer et sur l’estran bien sûr. À la différence des plantes terrestres, les algues ne possèdent ni racines, ni fleurs, ni feuilles. Les algues ne sont pas des plantes. Leur crampon leur permet uniquement de s’accrocher, contrairement aux racines des plantes qui conduisent les nutriments dont elles ont besoin pour grandir. Ce n’est pas le sol qui nourrit les algues mais les échanges osmotiques avec le milieu marin qui leur permettent d’absorber les sels minéraux et les nutriments nécessaires à leur croissance. Les algues vivent en symbiose avec leur environnement. Et elles n’ont besoin que de soleil, d’eau salée et des nutriments présents dans l’océan pour vivre.
Pépites nutritionnelles
Se nourrissant par osmose de tout ce que contient la mer d’oligoéléments, elles sont extrêmement riches. Ce sont mêmes de « véritables bombes nutritionnelles chargées en fibres et micronutriments » explique Vincent Doumeizel1, conseiller pour les océans à l’ONU. « Elles sont pauvres en graisses et on y trouve une forte quantité de vitamines A, C et K ainsi que du fer, de l’iode, du magnésium, du phosphore et du zinc. Certaines d’entre elles sont les seuls végétaux à fournir de la vitamine B12, nécessaire au bon fonctionnement de notre cerveau. Elles contiennent aussi les très précieux oméga-3 à longues chaînes (EPA et DHA) très importants pour le système cardiovasculaire et la régulation des taux de cholestérol. Ces acides gras polyinsaturés sont rares, on ne les trouve que dans les huiles de poisson et les algues. »
Bonnes pour le cerveau, pour le cœur et les vaisseaux, les algues sont également de puissantes alliées de notre fameux microbiote intestinal qu’elles participent à réguler.
Pas étonnant qu’une large partie de la population mondiale en raffole. Et peut-être est-ce même un secret de la longévité de celles et ceux qui se doutent bien que l’alimentation fait partie de la santé ?
C’est quoi une algue bio ?
Pour être certifiées biologiques, les algues doivent répondre à trois principaux critères :
– être cultivées ou récoltées dans des zones déterminées « de haute qualité écologique », dont la qualité de l’eau est en bon état écologique et chimique.
– être produites ou pêchées de manière durable dans le respect de la ressource.
– être traitées à l’eau de mer et, le cas échéant, conservées au sel non traité, sans additif.

Une saisonnalité pour les algues
Il y a aussi une saisonnalité pour les algues ! Sur les côtes bretonnes, certaines sont mêmes interdites de cueillette à certaines périodes, comme la dulse (de janvier à mars) ou la nori (de novembre à avril).
Cuisiner les algues : ouvrir le champ des possibles
Pourtant en France, et même en Bretagne, la consommation des algues reste encore assez confidentielle. Qu’est-ce qui pourrait expliquer ce désamour pour des ressources si riches et si précieuses ? Leur côté parfois « gluant » ? Leur aspect parfois tentaculaire ? Leur odeur puissante de marée ? C’est sans doute la méconnaissance de leurs multiples richesses qui ne leur rend pas justice à la hauteur de leurs potentialités. Et peut-être aussi le manque d’habitude de les cuisiner.

Pour faire découvrir les algues, les restaurants Pique-Prune proposent à la saison une savoureuse brandade végétarienne aux algues.
« L’effet iodé des algues sur cette recette de brandade est très impressionnant : le résultat est quasi-similaire à une brandade de poisson tout en étant végétarien. » Gladys, cuisinière du restaurant Pique-Prune de Cesson-Sévigné
Pour démocratiser la consommation d’algues sous nos latitudes bretonnes, quelques dizaines de productrices et producteurs ont fait de la préparation des algues leur cœur de métier. Certains les cueillent, certains les cultivent, d’autres les achètent pour se consacrer à leur transformation en paillettes déshydratées, en tartares cuisinés et même en salades fraîches. « Faire aimer manger les algues » est même devenu le crédo officiel de la petite équipe de Bord à bord installée à Roscoff depuis près de trente ans que nous avons rencontrée juste pour vous.
Le saviez-vous ?
Il y a peu de différences nutritionnelles entre une algue fraîche et une algue déshydratée. Leur résistance est due à leurs conditions de vie bousculées : exposition continue à des courants forts, températures basses, forte exposition au sel…
Vous n’avez peut-être pas encore dégusté de tartare d’algues, de sauté de haricots de mer, de confit de wakamé ou de brandade aux algues façon Pique-Prune, mais ce qui est absolument certain, c’est que vous consommez des algues sans le savoir ! Car en plus de contenir une quantité de nutriments et protéines à faire pâlir un bœuf, elles possèdent des propriétés que les industriels de l’alimentation connaissent aussi depuis quelques décennies.
Étonnantes propriétés
Peut-être avez déjà vous tenté l’expérience enfant de tremper quelques minutes dans le lait chaud un brin de cette algue rouge que l’on appelle goémon frisé ou pioka (chondrus crispus de son petit nom latin) pour le voir se transformer instantanément en crème aux faux airs de panacotta ? Pas de magie ici, simplement l’action des carraghénanes contenus dans l’algue. Gélifiant, épaississant, stabilisateur, les propriétés des carraghénanes sont bien utiles lorsqu’on fabrique des crèmes desserts, des glaces ou des plats en sauce. Nom de code : E407.
Et puis il y a le fameux agar-agar dont on se sert pour gélifier nos préparations culinaires en s’affranchissant d’utiliser de la gélatine animale. Celui-ci aussi est contenu dans certaines algues rouges, c’est E406. Enfin il y a la famille des alginates (E401 à E405), issus plutôt des algues brunes – laminaires et fucus – et très prisés dans la production alimentaire industrielle pour leur pouvoir puissamment gélifiant et stabilisant permettant de « reconstituer » le jambon par exemple. Quand on vous dit que les algues ont de super pouvoirs !

Avez-vous déjà trempé du goémon frisé dans du lait chaud ? Effet gelée garanti !
Bonnes pour la peau et les cheveux
Alors si l’on peut les employer en cuisine, on peut les employer dans toutes sortes de « tambouilles ». Et pourquoi pas les cosmétiques ? Au-delà des propriétés gélifiantes de nombreuses algues, elles contiennent les oligo-éléments dont notre corps a besoin pour se sentir vibrer. C’est ce que nous a expliqué avec passion Axel, conseiller cosmétique au magasin de Saint-Grégoire.
Les algues, nos alliées cosmétiques
Axel du magasin de Saint-Grégoire nous le rappelle régulièrement : tout ce que nous appliquons sur notre peau alimente notre organisme. En appliquant un produit à la surface de l’épiderme, il pénètre via les différentes strates de la peau et finit par rejoindre le système sanguin. Pour le meilleur (et aussi parfois pour le pire). Au rayon cosmétiques de Scarabée, on trouve plusieurs crèmes, shampoings ou sérums qui contiennent des algues. Alors qu’est-ce qu’il y a dans les algues de si bon pour la peau ?
« Côté cosmétiques on utilisera l’algue rouge pour son côté antioxydant. En limitant l’oxydation des cellules, cela permet de soutenir ou d’aider la cellule à vivre plus longtemps ou à être moins facilement détériorées. Cette algue rouge est beaucoup utilisée par le laboratoire Biarritz dans ses crèmes solaires. Certains laboratoires utilisent les algues également dans les crèmes de jour.
Les algues ont un pouvoir antioxydant parce que très souvent elles sont riches en vitamine A, en provitamine A, en vitamine C aussi. Et elles sont également très riches en oligoéléments : il va y avoir du zinc, du magnésium, de l’iode, du manganèse. Il y a plein d’oligoéléments dans les algues ! Le zinc régule le sébum par exemple. Au niveau du cuir chevelu, les oligoéléments permettent de décoller les cheveux à la racine et donc de donner un peu plus de volume.
Dans les algues, il y a aussi des protéines. Au niveau du cheveu, les protéines vont venir combler certaines brèches, le gainer ou le rendre plus souple. Le cheveu, c’est plein de petites écailles, un peu comme un serpent. Au fur et à mesure de sa vie, il perd certaines écailles, d’autres vont se soulever. Et le cheveu s’abîme, c’est naturel. Par les produits, que ce soit un gel, un shampoing, un après-shampoing, on va venir soit refermer les écailles qui sont ouvertes, soit combler les brèches. Cela permet d’avoir une chevelure beaucoup plus lisse, qui ne s’emmêle pas, de les rendre plus brillants, plus souples. Gainer permet de protéger le cheveu.
L’algue est aussi utilisée comme texturant, pour avoir un côté plus fondant, ou comme liant. La cosmétique c’est un peu comme la cuisine : tu vas avoir ta farine, ton lait mais pour lier tout ça il va falloir des œufs. L’algue va servir d’œuf : elle va permettre de faire en sorte que deux éléments puissent se connecter entre eux pour avoir une texture agréable au toucher, faire en sorte que le produit ne se déphase pas, que cela reste toujours bien mélangé et cela aide en plus à ce que le produit soit bien absorbé par la peau.
Dans une crème, une émulsion, on peut utiliser le côté gélifiant pour que la texture soit plus agréable au toucher, plus souple, plus facile à appliquer. Certains dentifrices aussi par exemple contiennent des extraits d’algues »
Une alliée précieuse pour l’agriculture
En bon petit scarabée breton, nous ne pouvons bien sûr pas évoquer les super pouvoirs des algues sans convoquer l’image des goémoniers qui en connaissent les vertus pour l’agriculture depuis un certain nombre de générations ! Utilisées comme fertilisants, les algues nourrissent les sols en accélérant la décomposition de la matière organique, en accroissant la population bactérienne et l’activité des vers de terre et en améliorant la capacité de rétention en eau. Certaines études montrent même que l’utilisation d’algues en agriculture permet aux plantes d’absorber jusqu’à 20 % de nutriments en plus.
Si les algues nourrissent le sol, elles nourrissent également les bêtes. Nombreuses sont les recherches visant à introduire des algues dans l’alimentation animale. Très riches en protéines et très digestibles, les algues parviendront peut-être un jour à détrôner le soja qui, la plupart du temps OGM élevé aux pesticides et aux engrais à l’autre bout de la planète, n’est pas le meilleur allié de l’environnement.
Dans les labos de recherche, dans les consortiums et les associations qui mettent autour de la table les différents acteurs de la filière agroalimentaire, les algues ont le vent en poupe. Ce n’est pas un effet de mode mais une réelle piste pour l’avenir.
« La révolution des algues », c’est le titre évocateur d’un manifeste réunissant les promoteurs des algues à travers le monde, qui militent pour le développement de cette ressource prometteuse. Au-delà de ses qualités pour l’alimentation humaine et le bien-être, les algues sont les sentinelles de la qualité de notre planète. Selon certaines personnes, les algues sauveront le monde.
En attendant de sauver la planète, rendez-vous sur l’estran aux prochaines grandes marées pour admirer, sentir, cueillir, goûter et peut-être même s’enduire d’algues !
- La révolution des algues, Vincent Doumeizel, Éditions des Équateurs, 2022 ↩︎