Utopia 56, solidarité avec les personnes en exil
Chaque mois, l’association Utopia 56 passe une journée dans l’un de nos magasins pour collecter des produits à destination des personnes en situation d’exil, notamment des adolescentes et adolescents éprouvé·es par une vie qui ne leur a pas fait de cadeaux.
Fondée en 2016 par des jeunes du Morbihan, Utopia 56 agit pour accompagner les parcours chaotiques de personnes poussées à quitter leur pays d’origine pour pouvoir vivre dignement. À l’origine de l’association, trois jeunes adultes choqués comme beaucoup d’autres par la photo d’un petit garçon syrien décédé sur une plage grecque, qui les pousse à agir plutôt qu’à regarder tourner en boucle cette image d’horreur.
À Rennes, Utopia 56 agit depuis 2018 dans trois directions : auprès des personnes à la rue, auprès des familles exilées et auprès des « mineur·es non accompagné·es », ces enfants en exil sans adulte pour les protéger.
Parer à l’urgence
Deux fois par semaine, les maraudes en centre-ville et dans les quartiers populaires proposent une distribution alimentaire et vestimentaire aux personnes qui en ont besoin, de manière inconditionnelle. Ici, ce sont principalement des personnes en situation de rue, des hommes, mais aussi des mères avec enfants qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois.
Et puis il y a aussi les familles en situation d’exil qui arrivent à Rennes et sont démunies, à tous les sens du terme. Qu’elles viennent tout juste d’arriver, soient en demande d’asile, réfugiées ou aient la nationalité française, ce sont des personnes qui se trouvent à la rue et ont besoin d’une aide matérielle d’urgence. Alors les membres d’Utopia 56 commencent par les orienter, les informer de leurs droits, des dispositifs de solidarité qu’elles peuvent solliciter.
Mais la réalité, c’est que l’hébergement d’urgence est totalement saturé. La réalité, c’est un campement dans le parc de Maurepas qui accueille deux cent trente personnes. Deux cent trente personnes parmi lesquelles soixante-dix sont mineures, deux cent trente personnes dont la moitié sont des femmes ou des filles. Fabien déplore cette situation : « les personnes vivent en toile de tente dans des conditions très rudes, avec un accès à l’eau limité et seulement deux toilettes à proximité. »
Accompagner les jeunes
Aujourd’hui sur le campement, il y a des adolescents seuls qui doivent se débrouiller pour (re)construire leur vie après un parcours d’exil qui les a jetés sur les routes, obligés à traverser des mers, à se libérer d’un trafic d’êtres humains… Parmi ces jeunes, des mineur·es à qui le Département a dénié leur condition d’enfant, parfois de façon tout à fait arbitraire. Trop d’émotion dans le discours, ou pas assez. Trop de maturité, ou pas assez. Un physique qui ne ressemble pas à celui d’un jeune « ordinaire ». Et pour cause « on a des jeunes qui effectivement sont marqués, parce qu’ils se sont fait torturer en Libye et j’imagine que ça fait vieillir le corps » raconte Fabien.
Ces mineur·es non accompagné·es, Utopia 56 les soutient pour faire aboutir un recours qui leur permettra d’être reconnu·es comme mineur·es dans 70 % des cas. Cette reconnaissance, cela représente beaucoup pour ces enfants : c’est un foyer, une école, un suivi éducatif. En attendant, ils sont dans un flou juridique qui les insécurise.
Alors Utopia 56 les accueille, les aide dans leurs démarches administratives, organise des cours de français, de mathématiques, de vie. « Il y a beaucoup de jeunes qui viennent tous les après-midis pour nous parler de trucs d’adolescents en fait, parler de leurs soucis de vie, nous demander des conseils. Ils viennent parce que ça ne va pas, ils viennent parce que ça va. Ils viennent pour rigoler. On a aussi ce rôle social-là, de redonner la place d’enfant à ces jeunes. »
Hébergeurs solidaires
S’ils ne sont pas tous et toutes à la rue, c’est aussi parce qu’il y a parmi les membres de l’association des hébergeurs solidaires qui accueillent pour quelques nuits ou plusieurs semaines ces jeunes qui se construisent. Comme ce garçon qui a maintenant un appartement, est aide-soignant, envisage de devenir infirmier, ou ceux-ci qui viennent annoncer l’obtention de leur CAP ou leur réussite au bac. « C’est encourageant conclut Fabien. Si on n’avait pas été là, aujourd’hui ils seraient sous OQTF, en errance, en train de faire des choses illégales pour survivre. »
Alors on continue à les soutenir bien sûr et on remercie aussi toutes les personnes qui ont croisé les membres d’Utopia 56 un samedi dans l’un des magasins de Scarabée et ont offert une bouteille de shampoing ou un paquet de biscuits, des petits riens qui en réalité font beaucoup.