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Collin, l’art de cultiver en famille

Herbes aromatiques

Sur la ferme Collin, la paysannerie se transmet de génération en génération, avec une conscience aigüe de l’écosystème duquel elle fait partie. Les herbes fraîches qui y sont produites sont le reflet d’une approche qui met la nature au cœur.
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Pour la petite histoire…
Localisé à Loutehel, 35330 / Fruits et légumes

Sur la ferme Collin, la paysannerie se transmet de génération en génération, avec une conscience aigüe de l’écosystème duquel elle fait partie. Les herbes fraîches qui y sont produites sont le reflet d’une approche qui met la nature au cœur.

Par une belle journée de juillet, nous nous sommes rendus sur une petite ferme familiale en bordure de la vallée de l’Aff. Les méandres de la route qui nous guide vers Loutehel nous font entrevoir une nature pleine de vibrations. Celles de ce chaud soleil d’été, celles du filet d’air qui balaye les champs de blé bordant le chemin, celles des insectes qui chuchotent et chahutent. Celles enfin d’une vieille maison de schiste rouge, toute prête à nous accueillir pour partager son histoire.

Dans la famille Collin, on est paysan·ne de génération en génération… depuis le Moyen-Âge ! Guy peut en témoigner, lui qui a passé des heures aux archives départementales pour remonter le fil familial, retracé à la main et précieusement conservé sur l’envers d’un rouleau de papier peint de plusieurs mètres. Aujourd’hui, ce sont Chrystelle, Guy et leur fils Jolan qui nous accueillent pour nous faire découvrir avec un plaisir non dissimulé la ferme familiale. Spécialité : les herbes aromatiques.

Cultiver avec la nature

Sur les quelques parcelles cultivées poussent le basilic, la ciboulette, le persil, le romarin, l’estragon, la menthe, le thym et même le laurier que vous trouvez chez Scarabée. Et aussi quelques courgettes, potimarrons et courges spaghettis. « Avec les herbes aromatiques, on améliore gustativement et qualitativement le repas. C’est le petit truc en plus qui change tout le plat » glisse Chrystelle qui ne regrette pas le temps où la ferme cultivait les fraises. Car ici, cultiver la terre de génération en génération ne signifie pas s’inscrire dans un schéma de production immuable. Bien au contraire. Ce qui importe, c’est de faire corps avec le territoire : le sol, les arbres, les haies et aussi la faune sauvage. Et si le blaireau a eu raison de la culture de la fraise – gourmand qu’il était et choisissant toujours les plus mûres – la paysanne convient aussi que la cultiver est particulièrement difficile, avec un cycle imprévisible, une planification qui tient plus du hasard que du pilotage et un temps de conservation extrêmement court.

« Les herbes aromatiques, c’est le petit truc en plus qui change tout »


Alors on expérimente, on adapte, et on se réjouit chaque jour de travailler en lien avec cette biodiversité qui nous fait une place. Car comme le disent les Collin, « ce n’est pas nous qui accueillons la biodiversité, c’est elle qui nous accueille. » Le coucou par exemple accompagne au mois d’avril les premiers soins portés à la ciboulette, les mantes religieuses s’épanouissent dans l’atmosphère chaude et humide des tunnels nantais où pousse le basilic, quant aux grands papillons multicolores, ce sont les planches de persil plat qui forment leur terrain de jeu préféré. La buse ne rate aucune sortie du vieux tracteur (datant de 1969 s’il vous plaît !) pour guetter les mulots qui raffolent des graines fraîchement semées et le chevreuil qui vient rendre sa visite matinale quotidienne à Jolan ne s’attaque jamais aux plantations. Et tout ce petit monde est au service d’une agriculture biologique qui se conjugue au présent du rythme de la nature.

Avec un très beau début d’été, 2025 a été l’année du basilic sur la ferme Collin.


Cultiver les herbes aromatiques est devenu la spécialité de la ferme Collin qui approvisionne les magasins Scarabée et aussi ceux du Grand Ouest via la plateforme Biocoop. En plein champ et sous serre froide, les plantes se trouvent bien sur cette terre très argileuse et un peu limoneuse. Comme les fraises sauvages que Guy dévorait enfant, la menthe pousse naturellement le long du ruisseau. « Ici on ne ferait ni carotte ni asperge explique Guy, mais le panel du végétal est immense et on a un large choix. » Alors on observe la nature et on sème les plantes les mieux adaptées. Sur cette parcelle proche du ruisseau, la menthe verte prend ses quartiers progressivement, choyée par Jolan qui n’a maintenant plus besoin de désherber, tant les feuilles de menthe forment un couvert végétal et occupent désormais l’espace. « En bio, notre boulot, c’est d’enlever l’herbe pour qu’elle ne prenne pas tout » explique le jeune paysan. Alors quand on a une alliée de choix comme la menthe, on la joue forcément en mode coopératif.

Sur cette terre très profonde et retenant bien l’eau, les aromatiques sont reines. Et l’arrosage presque en option. Cela tombe bien, la ciboulette ne supporte pas le stress hydrique. Alors forcément, elle se plaît très bien ici. Tout comme le persil qui apprécie particulièrement les températures douces qui règnent sur ce petit bout de terre niché entre les grands arbres et le ruisseau qui traverse les parcelles. Mais cette année, c’est le basilic qui s’épanouit le mieux. Comme l’explique Chrystelle, chaque année est différente et il faut savoir s’adapter constamment. « D’une année sur l’autre ce n’est jamais la même chose : le temps évolue, les graines ne germent pas de la même manière. »

De la graine à la botte

Car effectivement ici, on n’achète pas de plants prêts à mettre en terre, on fait tout soi-même, de la graine à la botte. Hormis pour le romarin et l’estragon qui se bouturent, la récolte des graines se fait en fin de saison, à l’aide d’une bassine bleue qui servit autrefois de pataugeoire pour les enfants, et de la brise d’automne qui disperse les parties de fleurs desséchées pour ne garder que les graines qui seront semées pour la saison suivante. Produisant à leur tour les plants d’herbes fraîches qui sublimeront nos repas. « Ici on part de la graine, on sème tout. On a une sorte d’autonomie. »

Ciboulette, menthe, oseille, estragon, thym, basilic, persil : cultiver plein de plantes différentes, c’est aussi la garantie de pouvoir produire 50 000 bottes chaque année. Lorsque l’une arrive en bout de parcours, c’est une autre qui prend le relais. Même si d’une saison à l’autre, cela peut varier énormément. « Il y a trois ans, on a fait de la ciboulette jusqu’en octobre raconte Chrystelle, cette année, on n’en a déjà plus. » Les cycles de chaque plante sont différents et il faut avoir un peu d’expérience pour savoir quand on fait la dernière coupe pour ne pas surexploiter la plante et protéger le territoire qu’on lui a alloué. Et Guy de résumer : « notre patron, c’est la nature. »

Les herbes sont coupées à la serpette très tôt le matin, au moment où elles contiennent le plus d’huiles essentielles.

L’art de prendre le temps

Et pour apprendre à cultiver avec la nature, il ne faut pas être pressé : cela s’apprend avec le temps. Comment organiser les rotations ? Quand récolter ? Et quand cesser de récolter ? Comment faire une belle botte ? Toutes ces questions, Jolan, 23 ans et en passe de reprendre la ferme familiale, a appris à y répondre en observant ses parents, en se formant au centre de formation du Rheu et aussi en expérimentant par lui-même. Par exemple cette année, il a testé l’artichaut blanc. Bien que le résultat ne soit pas franchement concluant, cela lui permet de s’approprier cette terre sur laquelle il a gambadé dès ses premières années mais qui n’a peut-être pas révélé encore tout son potentiel. « On expérimente, on teste, il n’y a que l’imagination qui nous limite » confie Guy qui a transmis à son fils l’envie de cultiver avec curiosité.

Initialement formé pour travailler dans le génie civil, le jeune paysan a été « rattrapé par la terre » comme il le dit lui-même. Reprendre la ferme était une évidence. Et puis franchement, il préfère l’odeur du basilic, du thym ou du romarin à celui du béton et du bitume ! Bricoleur dans l’âme, il transforme le tricycle de son enfance en outil pour déterrer les arceaux sans se casser le dos, convertit un vieux vélo en enrouleur de bâche à pédales et la toile d’un trampoline hors d’usage en hamac.

Le portique imaginé et construit par Jolan le long des planches de culture simplifie le ramassage et le rangement des tuyaux.

Prendre soin de la terre, c’est aussi prendre soin de soi et savoir se reposer durant ces journées qui démarrent tôt et se terminent parfois à la nuit tombée. « On a déjà vu Jolan commencer à la frontale » confie Chrystelle. Car récolter le matin est ce qu’il y a de mieux pour offrir des herbes de grande qualité : « la rosée, c’est le moment où elles ont le plus d’huiles essentielles. Elles ont la saveur, la fraîcheur, la turgescence. Il y a un cycle naturel de la plante à respecter » poursuit la paysanne. Alors évidemment, en se levant à l’aurore, le repos à mi-journée est précieux. Et quand en plus résonnent les notes de flûte traversière d’Aurore, la musicienne de la famille Collin, le repos est encore plus savoureux. Cultiver l’art de la sieste fait partie du métier !

Un art de vivre qui reflète l’approche esthétique de la famille Collin. Tous ses membres mettent un point d’honneur à constituer des bottes d’herbes fraîches aussi belles que des bouquets de fleurs. Sans pointes jaunes sur la ciboulette, sans feuille de menthe tâchée ou de basilic noircie par l’élastique. Alors on fait tout manuellement, avec une grande attention. Et depuis que Jolan a son mot à dire, on ne forme plus les bottes directement au champ en se baissant et en se relevant tout le long de la rangée, mais on s’économise en coupant d’abord tout ce dont on a besoin pour s’installer confortablement dans le cellier et botteler au frais et dans la bonne humeur – une qualité qui se transmet visiblement de génération en génération chez les Collin.